Ursula
Döbereiner

NEW . 18.07.2024

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Vues de l’exposition collective Metal Postcard - Mittageisen, Galerie September, Berlin, 2008

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Sacs poubelles, couvertures de survies, dimensions variables

soft ersatz, soft hate, soft touch et soft touch 002
Collages avec impressions numériques, sacs poubelles et couvertures de survies, 59,4 x 84,1 cm, 2008

soft ersatz (remplacement doux)

Soyons soft. Imaginons les films, la musique et les architectures modernes comme quelque chose que l’on peut aspirer dans des films thermiques réfléchissants et du plastique pas cher, comme des drogues super-rapides et super-douces, qui n’agissent que pendant une fraction de seconde et portent des noms futuristes et pop comme soft hate ou soft ersatz. Les installations et collages d’Ursula Döbereiner abordent la superficialité d’une modernité qui ne peut plus être perçue objectivement, mais seulement comme une température ressentie : des publicités sur des façades, des magasins, des cybercafés, des titres de groupes électroniques comme Cluster ou White Noise, la couleur industriellement normée des sacs en PVC ou des films de protection, mais aussi des slogans de spams qui invitent à avaler des pills ou à acheter des montres Omega. Des expériences visuelles quotidiennes telles que la vitesse, le rythme et la profondeur se transforment en compositions modulaires qui peuvent être comprises comme des textes littéraux ou structurels : un sac poubelle est un sac poubelle est un sac poubelle.

Döbereiner étend le médium du dessin à la tridimensionnalité en superposant des images, des matériaux, des lignes et des signes sur des plans. Le tout pour former des architectures abstraites que l’on peut « lire » visuellement - comme un paysage urbain, un film, ou un magazine que l’on feuillette avec désinvolture. Take Pills : en les avalant, on ressent l’énergie presque romantique qui rayonne à travers des surfaces prétendument « froides » ou « banales ». A travers des formes vacantes soulignées par des films miroitant se révèlent les couleurs signalétiques et les slogans anticapitalistes de Jean-Luc Godard, l’argent de la Factory de Warhol, le langage hermétique et cubiste de Gertrude Stein ou encore l’attitude artificielle des débuts du punk. Les réminiscences des courants progressistes du 20e siècle apparaissent chez Döbereiner comme des images rémanentes, des modèles de pensée ou des pochoirs qui se gravent dans la rétine comme une soft touch.

En même temps, ses collages et installations de films évoquent la culture de masse globale actuelle, qui assimile en un clin d’œil toute forme d’avant-garde, dans laquelle les différences entre « high » et « low » tombent radicalement. Les modes, les discours, les courants artistiques, le design et la musique sont commercialisés avant même d’être produits. Dans les rues de Neukölln, Riga et Bangkok, ce ne sont pas les originaux qui créent les tendances, mais les substituts. Parallèlement, l’art se retire dans des galeries et des musées gérés comme des boutiques de luxe, ou s’installe dans les vitrines de designers de luxe pour affirmer son exclusivité. Chez Döbereiner, au contraire, le trip mène dans les galeries marchandes, les magasins de bricolage et les boutiques 99 cents, vers des matériaux normalisés et « pauvres » qu’elle combine tout en les associant à des questions formelles et sociales. La modernité, qui se reflète dans des plans d’ordinateurs et des films scintillants, a des traits psychédéliques. L’œil du spectateur passe de matériaux brillants à des matériaux ternes, de la surface à la profondeur, du monochrome au all-over. Entre les deux se trouvent les abîmes d’une époque où le postmodernisme vaniteux a été remplacé depuis longtemps par un psychomodernisme. Alors que les marchés mondiaux dépendent des fluctuations émotionnelles collectives et de la peur de l’avenir ; l’économie de l’art doit elle aussi changer. En ces temps difficiles, Döbereiner montre l’exemple et produit des œuvres à la fois éclairantes et hallucinogènes, qui font planer justement parce qu’elles sont si sobres.*

Oliver Koerner von Gustorf

*Texte original en Allemand, traduit en français