Sylvie
Ungauer

17.11.2022

Tout autour de nous il y a...

« Tout autour de nous il y a… » de Sylvie Ungauer est une série de photographies grand format installée sur les murs lors de la construction du collège des Monts d’Arrée, à Plounéour-Ménez dans le cadre de la commande publique du 1% artistique du Conseil départemental du Finistère en 2018.

Cette œuvre a été réalisée avec et pour les usagers du collège car elle est l’aboutissement d’un processus de co-création qui a commencé en janvier 2017 par un temps d’immersion de l’artiste dans le collège. Sylvie Ungauer, avec un groupe d’élèves et enseignants, aidée par l’administration, met en place un atelier où l’on questionne et travaille notre relation au paysage, notre place dans celui-ci.

En parcourant à pieds, en bus Plounéour-Menez, en photographiant, en dessinant, en fabriquant des masques, les élèves se sont mis en scène dans les lieux de leur choix, à la recherche de ce qui fonde leur territoire, leur identité et leur façon d’habiter ce paysage. Ces photographies produites ont servie à réaliser des cartes postales. Un moyen de s’affirmer et de montrer aux autres « C’est chez-nous ! ».

Avec les élèves, Sylvie Ungauer a ensuite créé des saynètes en extérieur en composant avec certains éléments paysagers, retenus pour leurs qualités photogéniques mais aussi pour leur référence identitaire, fédératrice pour le groupe d’élèves. Ces prises de vue viennent habiller les murs du collège. Elles jouent avec l’architecture du bâtiment, avec ses couleurs, avec la vue sur le paysage environnant, au rythme de la vie de ses usagers.

14 photographies installées sur les murs du collège des Monts d’Arrée
Tirages sur Dibond, 120 X 180 cm
Vues des photographies dans le collège
Photo : Hervé Beurel

Les masques et le territoire, une mise en contexte du 1 %

Les œuvres de Sylvie Ungauer sont traversées par les questions d’identité et de costume, l’usage de perruques (comme dans la vidéo Déplacés – A Moving Sculpture, 2006) et de prothèses (la sculpture Démembrement et la performance Je travaille encore à notre nouvelle tenue…, toutes deux en 2016). Assez naturellement, le masque intervient progressivement dans sa pratique récente, notamment pour le projet Beyond the Mask : Masquerade, mené en 2015 au Sainsbury Centre for Visual Arts à Norwich, qui évoque autant les masques vénitiens que les costumes d’Oskar Schlemmer réalisés au Bauhaus dans les années 1920.

Au collège des Monts d’Arrée, ce sont aussi les masques que Sylvie Ungauer a privilégiés, afin de dissimuler les visages des élèves. Les collégiens portent ainsi des masques qu’ils ont eux-mêmes conçus lors d’un atelier, mais ils gardent leurs propres vêtements – jeans, T-shirts, sweats, baskets – lors des prises de vue photographiques, ce qui crée un décalage avec certains décors tout en les identifiant clairement comme de jeunes adolescents. C’est également l’image de soi renvoyée (ou qu’on souhaiterait renvoyer) aux autres qui est pleinement exprimée dans ces photographies, puisque les élèves ne sont pas guidés dans leurs gestes. En occultant les visages, le recours aux masques annule l’idée d’une représentation selon des poses ou des rôles assignés d’avance (de l’élève au travail, de l’individu au sein d’une classe, des collégiens vis-à-vis des enseignants, etc.), pour conduire au contraire à une transformation du regard porté sur le paysage et sur les collégiens en tant que groupe.
Le masque est dans le cas présent un objet transitionnel vers le paysage, comme un guide qui nous conduirait à travers les herbes hautes et par-delà les rochers, en direction de lieux plus ou moins accessibles ou inattendus. Sans être spectaculaire, le paysage photographié par Sylvie Ungauer est montré tel qu’arpenté à pied lors des randonnées de l’artiste avec les collégiens, c’est-à-dire fait de multiples endroits, qui, ensemble, constituent le territoire des monts d’Arrée.
Ce balisage du territoire se poursuit d’une autre manière à l’échelle du collège. Les tirages photographiques y sont disposés un peu partout dans le bâtiment selon un parcours : dans les couloirs du rez-de-chaussée et de l’étage, dans les escaliers, dans le bureau de la vie scolaire, dans le CDI, à l’infirmerie, à l’entrée de l’administration, etc. En tout, quatorze images de trois formats différents ponctuent et articulent l’espace, faisant office de repères pour les collégiens et les personnels qui y travaillent.

Sylvie Ungauer avait déjà filmé ces territoires recouverts de bruyères, d’ajoncs et de genêts dans son oeuvre Nowhere/Everywhere (2009). Un cavalier les traversait, évoquant assez étrangement la figure du cowboy de western chevauchant en Arizona. Toutes ces photographies prises pour le collège des Monts d’Arrée portent en elles un attrait certain pour le cinéma. À l’instar des images d’Ellen Kooi, d’Elina Brotherus ou de Laura Henno, elles sont pensées comme des scénarios, des petites saynètes, des instants capturés. Le rapport au réel y est comme mis à distance, en grande partie par l’entremise des masques. Cette fois, les masques n’appellent pas les dieux. À la manière d’un rite de passage, leur apparition sert à renouveler notre vision du paysage environnant. Ils cristallisent une forme de magie du réel.

Extrait du texte de Lilian Froger, historien de l’art et critique, 2018

Lire le texte dans son intégralité

Photographies de la série Tout autour de nous il y a…

Le chantier
La cabine
Au croisement des routes
La jungle
La gavotte des montagnes
Le stade
Penseur
Les statues manquantes
La lande
L’oiseau
Sur le dos du dragon
Déjeuner à la rivière
Scène au village

Un journal, disponible au Centre de Documentation et d’Information du collège vient compléter « Tout autour de nous il y a…» Il est le souvenir d’une aventure commune, d’un partage des savoir-faire et des connaissances. Il sera aussi diffusé au-delà du collège.

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