Pascal
Rivet

24.01.2023

Les Géants

Vues de l'exposition Les Géants, Passerelle, Centre d'art contemporain, Brest, 2021

Vues de l'exposition Les géants, Passerelle, Centre d'art contemporain, Brest 2021
Photos : Aurélien Mole

Fruit d’un partenariat entre le musée des beaux-arts de Brest et Passerelle Centre d’art contemporain, l’exposition Les géants rassemble les œuvres récentes de l’artiste Pascal Rivet (né en 1966 à Quimper, France).  Voyant le jour dans le contexte du Tour de France, Brest ville départ de l’édition 2021, Les géants est à la fois une occasion de découvrir les dernières peintures de l’artiste et une célébration du cyclisme.

Depuis les années 1990, Pascal Rivet s’intéresse au monde du sport en s’appropriant l’image de champion.e.s ou en rejouant des moments clefs de compétions. Il s’est grimé en footballeur avec Eric Cantona, en joueuse de tennis avec Mary Pierce ou encore en cycliste avec Marco Pantani. Le cercle du vélo a été une inspiration particulière mêlant la figure héroïque et sérieuse du coureur à un humour tantôt bienveillant, tantôt grinçant. C’est ainsi qu’en 2021 l’on retrouve la fascination de Pascal Rivet pour ce monde à part entière.

Se considérant comme un artiste-ethnographe, il déclare volontiers, non sans second degré, « Au lieu de tracer une route rectiligne, j’ai essayé de me perdre ». S’il a débuté sa carrière en empruntant le langage formaliste et minimal des grands sculpteurs abstraits dont Anthony Caro ou Richard Serra, il a rapidement choisi de maquiller la réalité avec des sculptures réalistes mais bancales, réalisées dans des matériaux – a priori – inappropriés.

Ce nouveau projet Les géants est une réponse de Pascal Rivet à l’invitation de Passerelle dans le cadre du Tour de France. Cette année, Brest est la ville départ du tour, un événement rare et festif ; c’est ce contexte réjouissant et rassembleur qui sert d’inspiration à l’artiste.

Le titre « Les géants » rend hommage autant au caractère présumé héroïque des cyclistes d’une grande peinture éponyme de l’artiste, qu’à leur taille puisque l’œuvre mesure près de 9 m de long. Le motif n’est pas réaliste, il est brouillé, comme si l’image avait subi une onde de choc. Les sportifs de la peinture chutent, la dislocation de l’image laisse place à celle des corps des hommes. Cet accident devient hallucination, évoquant tout autant la prise de substance comme des drogues récréatives ou dopantes, qui sont indéniablement liées – malheureusement – à l’histoire du cyclisme moderne, qu’à l’instant immédiat après la chute durant lequel l’état de K.O. brouille la vision et altère les sens. Ce spectacle de débâcle évoque les grandes peintures de batailles épiques comme celles d’Uccello, le maître de la Renaissance florentine ou celles de moments désastreux à l’image du fameux Radeau de la Méduse (1818-1819) de Géricault. Cette chute dans laquelle les cyclistes sont entraînés est irrémédiable, aussi cruelle qu’elle puisse être, elle fait partie de ce sport et de ses enjeux compétitifs. En outre, cette peinture contrariée est, pour l’artiste, le miroir de cette période troublée que nous vivons.

Cette immense peinture fonctionne également tel un puzzle dans l’exposition elle-même. Une série de peintures complète l’œuvre centrale ; elles sont des fragments réduits de la grande peinture. Si l’image était encore lisible dans sa version intégrale, elle s’échappe ici au regard en devenant complètement abstraite. L’œuvre de Pascal Rivet possède ce caractère permanent du ludique, celui d’une création joyeuse malgré les circonstances.

Commissariat de l’exposition : Passerelle Centre d’art contemporain et Documents d’Artistes Bretagne.

En partenariat avec le Musée des beaux-arts de Brest qui propose du 19 juin au 29 août 2021 l’exposition Faut pas pousser

Assistant : Simon Lagouche Gueguen / Graphisme : Jean-Baptiste Moal
Avec le concours de Jingyuan Chen, Léa Mainguy, Ophélia Prigent, Killian Ryan et Martin Routhe, étudiant.e.s en troisième année à l’EESAB - Site de Brest ainsi que Reda Boussella et Léah Geay