Mesurer les nuages
Mesurer les nuages, 2019
40 dessins à l’encre noire sur papier Montval 300g (totalité du corpus).
Vue d’atelier.
Il suffit de lever les yeux pour apercevoir les nuages, ces objets atmosphériques qui nous surplombent. En permanente variation, les nuages sont vivants. Ils nous protègent comme ils nous enveloppent. On peut les voir telle une peau, un épiderme mouvant et acqueux en constante relation avec le corps planète qu’ils entourent.
Forme toujours en émergence et non donnée par avance, le nuage est parcellaire et en perpétuel mouvement. Il est composé d’une multitude d’éléments (principalement des grains de poussière et des gouttelettes d’eau) qui s’agrègent, s’accumulent, se séparent.
Pour toutes ces raisons (le surplomb rassurant, l’accumulation, l’aspect gazeux et dense en même temps, la dimension poétique et contemplative…), les technologies numériques se sont emparées du mot, transformant un phénomène naturel et vivant en concept…
Processus de morphogenèse aussi insaisissable que nos bouleversements intimes, les nuages sont à la fois motifs de troubles et motifs de représentation, de projection de nos états intérieurs. La peinture romantique du XIXe siècle à largement contribuée à véhiculée ces représentations, particulièrement avec Gaspard David Friedrich et William Turner. Actuellement, dans ce moment appelé «Anthropocène», nous affectons les nuages autant qu’ils nous affectent. Tous les tumultes de la terre sont liés.
Le vocabulaire du tracé que j’utilise dans ces dessins, évoque « la triangulation».
Celle-ci est une méthode ancienne pour calculer les distances et les surfaces, ce que l’on appelait précisémment l’arpentage. Aujourd’hui, ce que l’on peut voir comme de la triangulation est surtout un mode de représentation (ce que l’on nomme le maillage 3d) associé à certains logiciels.
Ici, il est nullement question de modéliser quoi que ce soit. Ces formes sont proposées dans un seul but esthétique et réfléxif. Dessiner de la matière nuage et, qui plus est, la mesurer est une ambition vaine et ironique et pour moi il s’agit aussi d’un « pied de nez » aux désirs d’algorithmisation exhaustive de la nature.
Les quarante dessins originaux ont été réalisés à la main, entre l’été 2018 et l’été 2019.
La répétion engagée dans ces motifs triangulaires se veut anaphorique dans ce quelle énnonce comme reprise, mais aussi dans ce quelle nous fait voir comme différence de formes : une structure équivalente qui dessine une infinité de possibles.
© Nikolas Fouré - Adagp, Paris