Suspended Spaces
A propos du collectif Suspended Spaces
Suspended spaces est un collectif d’artistes, rassemblés par un projet indépendant et nomade, trouvant des ancrages à Paris, à Bruxelles ou à Berlin, mais aussi à Nicosie, à Beyrouth, à Lisbonne ou à Rio de Janeiro. Suspended spaces n’est pas un groupe d’artistes en indivision engagés dans un travail où se fondrait leur identité. Suspended spaces est une démarche collective et singulière de recherche artistique. Le membres fondateurs de Suspended spaces sont Jan Kopp, Daniel Lê, Françoise Parfait et Eric Valette accompagnés des artistes et chercheurs Kader Attia, Marcel Dinahet, Maïder Fortuné, Valérie Jouve, Jacinto Lageira.
Suspended spaces est né de circonstances particulières liées d’une certaine manière au hasard de rencontres. Un pays européen divisé, en même temps qu’une île aux confins de la Méditerranée, Chypre. Une ville fantôme abandonnée et en attente d’une résolution diplomatique et politique, Famagusta. C’était en 2007, et c’est d’une sidération commune devant cette situation que se sont imposés l’idée et le désir de construire un projet artistique basé sur une approche collective et partagée d’artistes et de chercheurs. Peutêtre avant tout pour comprendre cette sidération. Il repose sur un principe organique, telle une arborescence qui se construit par la rencontre, les opportunités et l’investissement de chacun dans le projet.
Suspended spaces produit des oeuvres et des écrits, suscite la rencontre entre artistes et chercheurs, organise des résidences et des workshops avec des étudiants, réalise des tables rondes, des conférences et des événements, produit des projections et des expositions, édite des livres. Suspended spaces défend l’importance et la nécessité du regard artistique sur le monde actuel.
Suspended spaces pose l’hypothèse, comme son nom l’indique, qu’il existe des espaces, appelés « espaces en suspens ». Ces espaces ont vu leur développement entravé par des contingences et des conflits d’ordre politique, économique ou historique. Ce sont des espaces tangibles et sensibles, fragiles et éphémères, qui rendent particulièrement nécessaire, pertinente une démarche artistique. Cette qualité repose ainsi sur des caractéristiques à la fois précises et changeantes, qui confèrent à ces espaces une dimension paradigmatique. Ils nous concernent tous, ils éclairent le monde d’aujourd’hui et peuvent nous aider à penser ses transformations. Nous allons vers de lieu et ce territoire eux au gré des rencontres. A notre tour, nous donnons accès à cette expérience et à ce déplacement à d’autres artistes et chercheurs.
Suspended spaces pose comme méthode la nécessité du déplacement et du changement de point de vue. Le décentrement, tant symbolique que géographique, permet une approche singulière et l’expérience partagée d’une situation. Dans le fil de la pensée de Bruno Latour et de Philippe Descola, Suspended spaces accorde une grande importance aux hybridations, qui constituent des zones de contact intéressantes à étudier pour « élargir la réflexion sur les conditions de la concordance entre les mondes » (Descola).
Mener un travail critique sur la modernité, plus particulièrement sur des appropriations de la modernité, sur les modernités telles qu’elles ont été exportées et telles qu’elles se sont confrontées à des usages, est une manière d’interroger son éventuel inachèvement, et d’insister sur l’importance des détails, des zones de frottement, des contingences. La démarche de recherche de Suspended spaces n’est pas anthropologique mais repose sur l’idée que « ce que toute expérience d’une autre culture nous offre, c’est l’occasion de faire une expérimentation sur notre propre culture. Bien plus qu’une variation imaginaire, c’est une mise en variation de notre imagination » (Eduardo Viveiros de Castro, Métaphysiques cannibales). Il ne s’agit pas d’admirer des ruines ou d’être nostalgique. Mais les lieux choisis par Suspended spaces concentrent des questions. Le site de Fordlandia définit une zone de contact entre un projet moderniste du siècle dernier et son actualité amazonienne.
Suspended spaces in Fordlandia , 2017-2019
Nature and modernist landscape
Un projet de recherche et de résidence
En prêtant attention à des territoires en attente d’une reconfiguration ou d’une disparition, le collectif Suspended spaces a été confronté à un certain échouement du projet moderne, celui qui, après la révolution industrielle du XIXe siècle, avait fait du progrès technique la promesse d’une société nouvelle, mais aussi celui qui, plus largement, a orienté notre conception du monde depuis la Renaissance. Le concept de Nature est une invention de l’Occident selon Philippe Descola. La modernité a mis à distance la Nature pour l’observer et ouvrir la voie à des investigations scientifiques sans égal, mais aussi pour y puiser à volonté des ressources alimentaires, énergétiques, distractives.
Aujourd’hui, le modèle n’est plus tenable, tout simplement parce qu’il ne peut pas durer : la planète s’épuise, les Indiens d’Amazonie « vivent dans un monde qui leur a été volé » (Eduardo Viveiros de Castro). La Nature pensée comme extérieure aux hommes se manifeste par autant de situations où l’intervention humaine révèle ses méfaits tout autant qu’elle révèle l’artificialité de la frontière dressée entre humains et non-humains.
La Nature, avec sa majuscule, semble s’incarner de manière particulièrement forte dans cette immensité végétale qui porte tant de projections et de fantasmes : l’Amazonie. Ici plus qu’ailleurs, le projet moderne s’est heurté à l’impossibilité pratique d’envisager la nature comme une entité abstraite. Dans sa démesure et sa résistance, la forêt a englouti les autoroutes et les voies ferrées, les expéditions scientifiques et les missionnaires. C’est en son sein que survivent des peuples qui avaient échappé à l’universalisme de la conception moderne du monde.
En Amazonie, un projet emblématique de la confrontation au projet moderne est encore visible aujourd’hui : une ville construite par Henry Ford au bord du Rio Tapajós, qui s’est épuisée dans l’absurdité de son programme. Fordlândia, le nom de cette ville nouvelle bâtie autour de l’industrie du caoutchouc, engageait un projet économique, politique, et culturel. Mais c’était sans compter sur la terre, l’eau, le soleil, les peuples. Non sans violence, la « belle » idée s’est enlisée et laisse aujourd’hui visible les traces suspendues de son échec.
L’histoire
Au début du 20e siècle, L’industriel américain Henry Ford était contraint d’acheter ses pneus aux Anglais pour équiper ses automobiles. En effet, l’Angleterre avait le monopole de l’exploitation intensive du caoutchouc grâce à des plantations d’hévéas dans ses colonies de l’Asie du Sud Est. Comme les États-Unis n’avaient pas de colonies où cultiver ses propres hévéas, Henry Ford a négocié l’achat pour un faible prix, d’un immense territoire au cœur de l’Amazonie au Brésil.
Au bord du Rio Tapajós, Henry Ford défricha plusieurs milliers d’hectares de forêt et implanta en 1928 une ville, Fordlândia, véritable projet de civilisation de l’Amazonie. En plus des usines et d’une emblématique citerne distribuant l’eau en ponctuant le paysage de pompes à incendie, la ville comprenait une école, un hôpital, et des quartiers résidentiels aux maisons empruntant leur style à l’architecture du Michigan.
Mais par méconnaissance et maladresse, la plantation et le projet urbain ont été un fiasco total. Dans les années 30, Henry Ford déplaça son projet quelques centaines de kilomètres plus au nord, à Belterra, où il construisit à nouveau une ville sur un modèle américain. Mais ce fut également un échec complet. Henry Ford n’a jamais réussi à exploiter la moindre goutte de caoutchouc, ni à Fordlândia ni à Belterra et le territoire fut définitivement rétrocédé au Brésil en 1945.
Henry Ford n’a jamais mis les pieds au Brésil.
La résidence Suspended spaces à Fordlândia
2017 : quelques membres du collectif Suspended spaces (Marcel Dinahet, Valérie Jouve, Jan Kopp, Jacinto Lageira, Daniel Lê, André Parente, Françoise Parfait, Eric Valette) ont fait un voyage de repérage à Belém, Santarém, Fordlândia et Belterra pour préparer la résidence à venir, recueillir des informations et documents. A cette occasion, une collaboration avec l’association Fotoativa de Belém a été engagée.
2018 : Du 21 août au 7 septembre, vingt artistes et chercheurs ont embarqué sur le bateau Don Giuseppe, à Santarém, pour remonter le Rio Tapajós vers Fordlândia. La navigation dura 3 jours, avec des étapes à Pindobal et Belterra, puis à Jamaraqua et la forêt nationale du Tapajós. Le groupe est resté 7 jours entiers à Fordlândia. Le bateau a servi d’espace de résidence, de logement et de restauration.
Au cours du séjour, les artistes et chercheurs ont engagé de projets, individuellement ou à plusieurs. Des interventions dans les écoles primaire et secondaire de Fordlândia, menées par le collectif Fotoativa, ont permis de développer des collaborations avec les enfants et les adolescent.es du village. Un film a été tourné et une soirée de projection publique a eu lieu la veille du départ.
Alessia de Biase, Marcel Dinahet, Camila Fialho, Debora Flor, Maïder Fortuné, Véronique Isabelle, Valérie Jouve, Jan Kopp, Jacinto Lageira, Bertrand Lamarche, Daniel Lê, André Parente, Françoise Parfait, Mireille Pic, Alexandre Sequeira, Susana de Sousa Dias, Stéphane Thidet, Eric Valette, Camille Varenne et José Viana ont participé à la résidence.
Du 13 au 18 novembre, colloque international Fordlândia, une archive à ciel ouvert, à La Colonie (Paris).
Du 13 au 25 novembre, exposition Retour de Fordlândia, à La Colonie, Paris. Puis du 23 novembre au 22 décembre 2018 à La Tôlerie, Clermont-Ferrand.
Avec Alessia de Biase, Marcel Dinahet, Camila Fialho, Debora Flor, Maïder Fortuné, Véronique Isabelle, Valérie Jouve, Jan Kopp, Bertrand Lamarche, Daniel Lê, André Parente, Françoise Parfait, Mireille Pic, Alexandre Sequeira, Susana de Sousa Dias, Stéphane Thidet, Eric Valette, Camille Varenne et José Viana.
2019 : à partir du 25 mai au 29 juin, présentation de l’exposition Retour de Fordlândia à Fotoativa, Belém (Brésil). L’exposition sera l’occasion d’inviter d’autres artistes brésiliens à présenter des œuvres qui viendront dialoguer avec celles réalisées par les participants à la résidence.
Fordlandia - lever du jour, 2017
Vidéo, couleur, son, 1'50"
Fordlandia - escalier usine, 2017
Vidéo, couleur, son, 2'40"
Suspended spaces in Fordlandia
21 août 7 septembre 2018
Nature and modernist landscape
Un projet de recherche et de résidence
Arrivée de nuit, 2018
Vidéo, couleur, son, 2'25"
Résidence flottante, 26 août - 6 septembre 2018
Sur le Rio Tapajós jusqu’à Fordlândia.
Déplacement collectif du groupe vers Fordlândia, depuis Santarem, en bateau. L’espace du bateau est considéré comme un lieu de résidence, rendant opportun le processus de travail et d’échange. Il a donné lieu à la réalisation d’oeuvres, pendant ou après le séjour, individuelles ou collectives, mais aussi de textes, et de documents qui nourrissent une restitution de l’expérience dans toutes ses formes possibles. Le groupe est resté 8 jours sur le site de Fordlândia.
L'arbre de tapajos, 2018
Vidéo, couleur, son, 1'24"
Tourner l'usine, 2018
Vidéo, couleur, son, 3'17", extrait
Résidence A Ghardaia Algérie, 2024
Ghardaia, Algérie, séjour, Suspendedspaces, 2024
Le désert 1 - Ghardaia, 2024
Le désert 2 - Ghardaia, 2024
Exposition Oubou à Art Cade Marseille, 2024
Ghardaia, 2023
Exposition WASLA Marseille-Alger-Ghardaïa à la galerie de L’Institut Français d’Alger, 2024
Exposition du 31 août au 30 septembre 2024
Depuis 2019, le collectif Suspended spaces travaille sur l’idée de traverser. La région de Ghardaïa constitue un patrimoine historique et culturel qui résiste aux lectures habituelles, à la fois fortement déterminé par la rigidité de la tradition et des normes sociales et confronté aux questions les plus urgentes du monde actuel, écologique, économiques, politiques. Elle a constitué un horizon vers lequel tourner nos regards.
En 2021, depuis Marseille, des lignes ont été tendues vers l’architecture de Ghardaïa qui a inspiré les modernes. En 2022, le Collectif s’est rendu par bateau à Alger pour une résidence de deux semaines avec un court séjour dans la vallée du M’Zab. En 2024, une résidence a finalement réuni artistes et chercheur·es à Ghardaïa.
Wasla, c’est ce qui nous relie, des traits d’unions que nous avons cherchés entre les trois villes traversées, mais aussi entre les participant·es à la résidence.
L’exposition WASLA Marseille-Alger-Ghardaïa est le résultat de ces trois résidences à Marseille, Alger et Ghardaïa. C’est une version augmentée de l’exposition Oubour | présentée à Marseille en 2023.
Kader Attia, Ariella Aïsha Azoulay, Mehdi Azzouz, Aya Bennacer, Adila Bennedjaï Zou, Mounia Bouali, Jean-Claude Chianale, Alessia de Biase, Marcel Dinahet, Ângela Ferreira, Camila Fialho, Maïder Fortuné, Mounir Gouri, Valérie Jouve, Jan Kopp, Mourad Krinah, Daniel Lê, Élisabeth Leuvrey, Amina Menia, Samira Negrouche, Françoise Parfait, Lydia Saïdi, Stéphane Thidet, Samir Toumi, Éric Valette, Camille Varenne, Liess Vergès, Christophe Viart