Marc
Geneix

15.11.2023

Vases communicants

Anne-Lou Vicente, 2023

Lever de rideau /

Le soleil brûle déjà la peau et enflamme la scène où se tiennent — sur un même plan —

sculptures meubles
tableaux objets
supports surfaces

: combinaisons à échelle et géométrie variables, en deux et trois dimensions
: hybridations de formes élémentaires et de signes cultu(r)els
: mises en abîme et en perspectives, projections et résonances contenues
: tautologies et incorporations aux accents scéniques et co(s)miques

à plat
en plein
en vide
en volume
en croix
en caisse
en cercle
en triangle
en trompe-l’œil
en coins
en tas
en série
en ligne
au murau sol
au carré
au cube…

Depuis qu’elle avait avalé le plectre, elle ne parlait plus mais jouait une musique d’intérieur parfaitement inaudible. Entre ligne de crête et point de bascule, l’intemporelle jeunesse fait feu de tout bois. Un beau jour, sur son rocking-chair, elle balance, d’un trait :

  • Les Shakers1 ont préfiguré le minimalisme et le slow design.
  • Tu parles !? Tu crois ça ?
  • Tout est histoire de croyances…
  • Et de point de vue !
  • Et de forme, de matériau, de fonction, d’usage, de production, de diffusion…
  • Adhérence vs résistance.
  • Dans quel état j’erre ?

L’art minimal épouse l’ornement, l’instrument l’architecture.

Intelligente, la main apprend et pense. Elle sait, elle fait, elle sait faire.

« La main semble bondir en liberté et se délecter de son adresse : elle exploite avec une sécurité inouïe les ressources d’une longue science, mais elle exploite aussi cet imprévisible, qui est en dehors du champ de l’esprit, l’accident2 . »

Jeu de la mourre et du hasard… ?

pierre - feuille - ciseaux
terre - vent - feu
triangle - rond - carré

l’un·e {contre / dans / sur} l’autre

« Longtemps la main se contenta de dresser des troncs d’arbre non polis, avec toute leur parure d’écorce, pour porter les toits des maisons et des temples ; longtemps elle entassa ou elle leva des pierres brutes pour commémorer les morts et pour honorer les dieux. […] Mais du jour où elle dévêtit l’arbre de son manteau noueux pour en faire apparaître la chair, façonnant la surface jusqu’à la rendre lisse et parfaite, elle inventa un épiderme, doux à la vue, doux au toucher, et les veines, destinées à rester profondément cachées, offrirent à la lumière des combinaisons mystérieuses. […] L’art commence par la transmutation et continue par la métamorphose. […] Il est invention de matières en même temps qu’il est invention de formes. Il se construit une physique et une minéralogie. Il enfonce les mains dans les entrailles des choses pour leur donner la figure qu’il lui plaît. Il est d’abord artisan et alchimiste3 . »

À bruit secret, les formes et les matières circulent, le démon se mord la queue et le monde poursuit sa révolution autour du soleil.

Aller et retour, jour après jour.

/ Baisser de rideau

  1. Fondée par Ann Lee vers 1770 en Angleterre et implantée rapidement dans la région de New York, cette secte méthodiste issue des Quakers tire son nom des danses collectives qui agitaient frénétiquement ses membres jusqu’à la transe. Elle prône une forme d’ascèse qui passe notamment par la non mixité, le refus de la procréation et un mode de vie strict accompagné par un design épuré dont les maîtres-mots sont : « l’uniformité, la reproductibilité, l’ordre et le contrôle ».
  2. Henri Focillon, Vie des formes, Paris, Quadrige, PUF, 1943 (7e édition, 1981), p. 120.
  3. Ibid., p. 114-115.