Jean-Yves
Brélivet

12.10.2022

Promenade d'artifice

Promenade d'artifice, 1975
Lac de Guerlédan, Mur-de-Bretagne, 1975.

A PROPOS DE PROMENADE D’ARTIFICE

«Le séjour sous l’eau ne transforme pas le tronc d’un arbre en peau de crocodile.»
(Sous l’orage, Seydou Badian)

Aux alentours de Mur de Bretagne, ville au nom prédestiné, s’érige un mur d’envergure : le barrage de Guerlédan.
En 1975, pour des raisons d’entretien le lac a été asséché. La vallée revoyait le jour après plusieurs années d’immersion.
J’ai estimé que ce lieu autrefois boisé aimerait retrouver sa vocation. C’était l’occasion de sortir les troncs moulés dans la forêt environnante.
Pour la circonstance, le groupe de rock Mr Jean me prêtait main forte.
Dans ce paysage lunaire, nous constations que quelques pins désincarnés avaient nargué les eaux. Après une longue procession, au niveau d’une des écluses le verger demeurait intact.
Pour que l’image soit indélébile, nous avons planté dans l’alignement un arbre ultra vert.
Du coup, l’irréel débordait, déjà en eau trouble, ce paysage sans âge flottait. L’arbre parasite contrariait les chasseurs de cartes postales.
Quand nous sommes revenus quinze jours après pour une visite d’observation, le coupable avait disparu. Bien que lesté, des photographes musclés l’avaient jeté dans le canal.
En se renseignant à la crêperie voisine, une légende circulait autour du lac. Après un tournage, la télévision avait laissé un morceau de décor : un arbre aujourd’hui englouti.
Comme quoi la télévision convoque la fiction, elle brode des histoires dans le dos.