Jean-François
Leroy

NEW . 07.05.2025

54ème Salon de Montrouge

Texte de Patrice Joly, 2009

Les pièces de Jean-François Leroy hésitent à choisir leur camp, celui de la peinture ou de la sculpture, semblant se situer à l’exacte limite d’une territorialisation impossible; de même qu’elles paraissent hésiter à vouloir s’exiler d’un atelier dont elles exhibent la traçabilité manifeste de leur provenance.

Foyer peut se lire comme une plaque découpée en son centre par une brûlure au chalumeau venant lécher de ses flammes noires la peinture qui la revêt: il s’avère que l’ouverture pratiquée correspond à la dimension du foyer de la cheminée de l’appartement de l’artiste. Il est donc tentant de voir dans cette pièce une dimension métaphorique que vient surligner son titre très évocateur. Heureusement, cette narrativité qui condense de manière fulgurante origine et affectivité potentielle se heurte à l’efficacité d’un traitement nous ramenant avant tout à des problématiques purement liées au médium. Ainsi ces allusions biographiques semblent le prétexte à une confrontation inédite entre la noirceur de la combustion et la monochromie readymade tout droit sortie d’un catalogue de fournisseur. La dépose nonchalante de cette plaque contre le mur aggrave cette hésitation entre volume et planéité: pseudo tableau aux allures de scorie laissant apparaître les stigmates de sa transformation, résidu de chantier d’aménagement intérieur en cours d’achèvement. Cette pièce assume pleinement ses statuts contradictoires qui la font participer d’une dimension paysagère évidente.

Une autre œuvre illustre encore plus violemment cette lutte entre 2D et 3D : Store est comme son nom l’indique un banal store vénitien d’appartement auquel Jean-François Leroy a fait subir une torsion complète sur lui-même, lui octroyant de facto cette troisième dimension dont l’artiste semble perpétuellement à la recherche. Même si cette pièce apparaît isolée dans sa production, elle n’en affiche pas moins une propension générale à dramatiser la planéité et manifeste une tendance à repousser les limites du médium. Ainsi, dans la plupart de ses “peintures”, les principales caractéristiques de cette dernière sont mises à mal : la surface est maltraitée, le support semble indifférent et livré aux contingences de l’atelier, le choix de la couleur asservi à la gamme du fournisseur, le primat du monochrome se laissant facilement corrompre par des velléités de figuration. Derrière cette apparence de laisser-aller se cache cependant une réelle stratégie pour équilibrer la part narrative et le tribut payé à l’abstraction. Ni vraiment tableaux ni tout à fait sculptures, les pièces de Jean-François Leroy se déploient dans l’espace d’une théâtralité assumée composée de micro-paysages se propageant d’une installation à l’autre.

Patrice Joly