François
Dilasser

07.12.2018

La chute d'Icare

Chute d’Icare, 1987
Acrylique et fusain sur papier, 59,5 x 51 cm, collection particulière

Chute d’Icare, 1987
Acrylique et fusain sur papier, 30,5 x 23,5 cm, collection particulière

Chute d’Icare, 1988
Acrylique et fusain sur papier, 43 x 57 cm, collection particulière

Chute d’Icare, 1988
Acrylique et fusain sur papier, 58 x 77 cm, collection particulière

Chute d’Icare, 1988
Acrylique et fusain sur papier, 100 x 150 cm, collection Laure et Martin Pierlot

Plusieurs minutes durant, l’amateur d’art sans compétence particulière se tint à distance des toiles qu’il fixait avec une sorte d’hébétude ; puis s’approcha d’elles pour en scruter les motifs, les couleurs, les matières. Et voici ce qu’il vit. Sur des fonds acryliques - mauve pour la première, bleu pâle pour la seconde - qui laissaient entrevoir des enduits préalables donnant à ces à-plats une vibration profonde, des «marqueteries mal jointes» du genre de celles qui, se souvint-il, ravissaient Montaigne avaient été assemblées, de façon serrée dans le premier cas, sur un mode plus lâche dans le second; et chacune des pièces composant ces deux ravaudages contrastés était occupée par une figure dessinée au fusain d’un trait tremblant, comme étonné de découvrir lui-même, au fur et à mesure, son dessein. Étaient-ce des têtes, des maisons, des bateaux, des insectes, des îles ou des éléphants, ces figurines qu’on eût dites pourvues de pattes, de tuyaux, de pansements, de touffes de poils, d’orifices et de hérissements divers? Peu importe. Ce qui comptait, ce qui conférait, à l’un comme à l’autre des deux grands formats qui imposaient silence à notre amateur d’art sans compétence particulière, oui, ce qui leur donnait une étrangeté radicale et une nécessité, c’est que toutes ces figures non figuratives semblaient prises dans un chahut, un remue-ménage en forme de chute collective, qui les séparait et les réunissait à la fois. Comme. si, sur quelques mètres carrés de toile, par le pouvoir d’une peinture ne ressemblant à aucune autre, l’ordre et le désordre du monde, le sens et le non-sens de nos existences d’êtres parlants voués à la mort et peut-être au péché avaient été saisis s’affrontant, dans un tohu-bohu mêlant l’humour et le tragique, l’angoisse et la jubilation.
J’ai appris plus tard qu’une des appellations données par le peintre lui-même à ces figures hésitant entre la chose et la créature, à ces objets-bestioles pris dans des filets ne les protégeant pas d’un désastre général, était La chute d’Icare. Ce qui, à la réflexion, m’a semblé s’imposer. Les seuls êtres qui vaillent ne sont-ils pas ceux qui osent se lancer à l’assaut du ciel, même si c’est pour se casser la figure à coup sûr ?

Extrait de Propos d’un amateur d’art sans compétence particulière, Jean-Pierre Le Dantec, in François Dilasser, catalogue des expositions des Musées de Saint-Lo, Caen, Valenciennes, Sables d’Olonne, Le Temps qui’l fait, 1996.

Le Jardin de mon père, 1990
Acrylique et fusain sur papier marouflé sur toile, 150 x 100 cm, collection de l’artiste

Jardin 3, 1989
Acrylique et fusain sur papier marouflé sur toile, 100 x 104,5 cm, collection de l’artiste

Jardin 1, 1989
Acrylique et fusain sur papier marouflé sur toile, 100 x 100 cm, collection de l’artiste

François Dilasser © Adagp, Paris