François
Dilasser

07.12.2018

Carnets

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Extraits choisis de carnets de dessins
(Diaporama de vingt reproductions)
Photo : Didier Olivré

François Dilasser voit dans le dessin un exercice répété, quasi journalier. En maintes occasions, il le reprend, plusieurs heures d’affilée si nécessaire.
« Dessiner assis sur un tabouret à vis
devant un carnet à dessin
dessiner une heure
deux heures …
des éclairs, peu» 1 .

Il réalise de longues séries de dessins : comme d’autres déroulent des pages d’écriture, il fait ses gammes. Néanmoins, la prouesse technique n’est pas son propos, car de son propre aveu, l’acte de dessiner n’obéit pas à une recherche formelle impérative. Les formes, les figures se manifestent dans une sorte de passivité : «j’essaie de dessiner dans un état de demi-sommeil» 2 . Navigation sans boussole, état natif de la création. Inlassablement, la main libérée cherche ses caps, page après page.

Ainsi Dilasser se livre-t-il au dessin, retranchant soigneusement toute « manière », se dégageant de la perfection sans surprise qu’engendre tout geste trop discipliné. Dans Jazz, Henri Matisse invitait tout artiste à se méfier de l’obéissance de la main. II faisait écho à Henri Focillon qui dans son Éloge de la main pouvait écrire : «la main n’est pas la serve docile de l’esprit, elle cherche, elle s’ingénie pour lui, elle chemine à travers toute sorte d’aventures, elle tente sa chance»3 . Dilasser aime cette exploration. Installées dans des cloisons ténues, alignées comme à la parade ou dispersées, telles des électrons, sur une page, les figures témoignent de cette errance fébrile de la main. In fine, il arrive que celle-ci se pose littéralement sur la feuille comme un rappel physique de l’intervention de l’artiste, comme le signe d’une fragile souveraineté (26-8-1996). Il s’agit là d’une image réflexive, au même titre que les petits rectangles d’autoportraits capturant les yeux et un morceau de nez, notations régulières et furtives ponctuant les carnets.

Extrait de Le dessin de Dilasser, Benoît Decron, in “François Dilasser”, Catalogue de l’exposition Artothèque de Caen, Musée de Saint-Lô, Musée de Valenciennes, Musée de l’Abbaye Saint-Croix des Sables d’Olonne, Ed. Le temps qu’il fait, 1996

  1. François Dilasser et Paul Louis Rossi, Inscapes, Le temps qu’il fait, Cognac, 1994
  2. Feuillets dactylographiés transmis par l’artiste
  3. Henri Focillon, Vie des Formes, P.U.F.