Tickle Drown Thing
Joshua Simon, un ami, commissaire d’exposition et critique d’art avec qui j’ai collaboré sur des projets parmi mes plus audacieux, m’a invité à réaliser l’installation principale pour un événement de trois jours à Secession, Vienne : le lancement d’une exposition en ligne intitulée SLIME.
Secession est un merveilleux exosquelette, le slime, tout le contraire.
Je me suis concentré sur cette sensation de quelque chose qui t’échappe de par sa propre substance, dont les contours et le volume bougent imperceptiblement de façon à ce qu’on se retrouve englouti sans même s’en être aperçu.
Il est difficile de faire abstraction de la grille qui structure l’espace d’exposition principal à Secession. Les travaux successifs apportés au bâtiment original n’ont fait qu’amplifier sa présence. Au point que les photos des expositions qui y ont lieu peuvent laisser penser que les œuvres servent de prétexte pour montrer l’espace.
Ma première visite a confirmé cette impression.
En projetant Secession dans un scenario SLIME, j’ai choisi d’ignorer au mieux de mes capacités le poids de son aura afin de l’aborder d’un point de vue utilitaire. J’ai vu un lieu dont les qualités permettraient de le convertir en entrepôt/centre de tri. Exacerber les logiques existantes pour que mon occupation de l’espace mette le statut du lieu en suspens.
Une visite de repérage m’a permis de localiser du mobilier et d’autres articles dans les réserves, à partir desquels j’ai pu élaborer le scénario qui suit. Il s’articule autour d’espaces et d’éléments qui cherchent à se fondre dans les lieux et que les visiteur.euses peuvent engager/aborder intuitivement et sans effort.
On traverse le hall d’entrée, passant devant la boutique, des vitrines, un présentoir de cartes postales et la caisse d’entrée avant de franchir les portes vitrées qui mènent dans l’espace d’exposition principal. Là, on se retrouve dans une librairie-café qui fait aussi relais-colis. Les colis s’entassent.
Les livres, des invendus provenant des réserves de l’établissement, sont proposés à 0€. Des bananes, de l’eau, et des gâteaux apéritifs évoquant des cacahuètes en polystyrène sont proposés à la dégustation au comptoir.
Derrière le rideau doré (réalisé à partir d’affiches produites pour l’exposition de Helmo Zobernig à Secession en 1995) qui fait office de mur de fond de la librairie-café, on découvre un entrepôt/centre de tri.
Structuré par des colonnes blanches et des partitions en carton, cet espace fait écho à la matrice du plafond qui le surplombe, mais il se délite : des emballages éventrés et leur contenus ont été manipulés pour agencer des espaces où se réunir, se reposer, jouer, planifier… Les colonnes amènent le regard vers le plafond iconique. Les caméras de surveillance qui les capitonnent ramènent l’attention aux routines contemporaines de logistique mondiale et les excès de la société de consommation. Des distributeurs de gel hydrauliques(hydroalcoolique) nous lorgnent depuis certaines colonnes tels des indiens en bois, nous rappelant par télépathie de nous laver les mains s’il vous plaît merci.
Podcast : Conversation avec Joshua Simon, Christian Lübbert et Francesco Finizio
Photos : Francesco Finizio et Natasha Junkart
Visite de l'exposition