Spoken Word (Une chanson parlée)
Vue de l’exposition à la Criée Centre d’art contemporain, Rennes
Photo : Benoît Mauras © La Criée Centre d’art contemporain, Rennes
Intro (digression sur un accord psycho‑acoustique) :
Mon oncle est astronome.
J’ai toujours trouvé cela fabuleux d’avoir un oncle astronome, d’être astronome.
Je me souviens de cette fois où il m’a raconté qu’une grande partie de son activité consistait à rester derrière son écran d’ordinateur à observer les naines noires, qui sont des étoiles – ou des planètes je ne sais plus – que l’on ne voit pas.
– « Mais que regardes-tu alors, lui avais-je demandé ?
– Je regarde des courbes, qui, lorsqu’elles se déforment, indiquent la présence de masses, donc de corps célestes. »
Depuis ce jour, j’ai la conviction que mon oncle et ses collègues sont parmi les observateurs les plus assidus de l’abstraction.
1er couplet (l’héroïne)
C’est une femme, elle a 35 ans
Elle est artiste
Elle est musicienne
Elle est éditrice aussi
C’est Félicia Atkinson
Pour La Criée, elle a imaginé Spoken Word
Refrain
C’est une exposition
C’est un paysage où l’on n’arrive jamais
C’est une pièce sonore-île déserte
dans laquelle on peut se promener
C’est un film muet qui cache
une musique inouïe
C’est une série de sculptures activables
sans objet
C’est un jeu à deux sans règles
C’est une frise de miroirs aux reflets déformés
2e couplet (celui de la salle blanche)
Il y a trois grandes sculptures
On peut s’y appuyer, on peut passer
au‑dessous
Elles sont des rochers des arbres
des instruments des cactus
des totems des meubles
Il y a le désert (rouge)
Il y a aussi une dizaine de sculptures
qui tiennent dans la main
Et avec lesquelles on pourra jouer à deux,
assis à une table
On peut saisir l’art, le toucher, le caresser
Il y a le désert (rocheux)
Il y encore des cartes sans mémoire, qui sont
de grandes impressions numériques
sur aluminium, accrochées au mur
Ce sont des collages de mots et de formes
simples, des amorces d’histoires, des indices
On peut presque s’y voir
Et puis il y a des formes colorées
qui poussent sur les murs
Refrain
C’est une exposition
C’est un paysage où l’on n’arrive jamais
C’est une pièce sonore-île déserte
dans laquelle on peut se promener
C’est un film muet qui cache
une musique inouïe
C’est une série de sculptures activables
sans objet
C’est un jeu à deux sans règles
C’est une frise de miroirs aux reflets déformés
3e couplet (celui de l’espace entier)
Il y a une bande sonore
qui, chaque jour, dure aussi longtemps
que l’exposition est ouverte
(le temps du voyage et du rêve)
Il y a le désert (Sonoran)
Cette bande est parfois électronique
(un synthétiseur modulaire)
Parfois c’est le son du désert californien
Parfois c’est celui des îles sauvages bretonnes
Parfois ce sont des samples d’audio books
C’est une bande sonore qui chante
un récit, éparpillé, sans début
ni fin ni milieu ni intrigue
Il y a le désert (miraculeux)
Refrain
C’est une exposition
C’est un paysage où l’on n’arrive jamais
4e couplet (celui de la salle noire)
Il y a un film muet (derrière un rideau lourd
souple de couleurs fondues)
Il y a les cactus géants du désert de Saguaro
Ils sont des totems des sculptures
des humains des arbres des instruments
Il y a le désert (écoutez-le)
Félicia joue pour les cactus
Félicia fait des gestes lents pour les cactus,
des gestes de sculpteure
Félicia danse pour les cactus
Il y a le désert (regardez-le)
Il y a la beauté des gestes
La beauté est une décision et un désir
inexplicable
Refrain
C’est une exposition
C’est un paysage où l’on n’arrive jamais
5e couplet (les Rayons verts)
D’autres oeuvres naissent de l’exposition
Le 10 mai, Félicia invite la poète et artiste
Hanne Lippard pour qu’elle parle
parmi les oeuvres
Les litanies les mélodies
Le timbre la tessiture
La voix est un instrument
L’invention du disuel
Le 20 mai, elle invite la danseuse Élise Ladoué
pour qu’elle danse lentement parmi l’exposition
Elle l’accompagne de ses sons,
Presque un concert
Il y a encore un livre qu’elle a publié chez
Shelter Press, sa maison d’édition,
qui s’appelle Audio Book,
qui est à la fois le croquis de l’exposition,
ses sources et son prolongement
Sophie Kaplan, janvier 2017, communiqué de presse de l’exposition.