Elsa
Tomkowiak

13.05.2019

Albedo 2, 2018

9 blocs de mousse, peinture acrylique, 80x80x90/110cm.
Vues de l’exposition «1600/18 000 » au Chateau Musée de Tournon sur Rhône
Photos : Nicolas Lelièvre et Hubert Besacier

Croquis préparatoire

Elsa Tomkowiak – 1800 / 16000
Le Château-Musée de Tournon-sur-Rhône poursuit son ouverture à l’art contemporain en accueillant cet été une nouvelle exposition consacrée à une artiste émergente. C’est au geste de la plasticienne Elsa Tomkowiak qu’est confié l’ensemble du Château-Musée. À l’architecture austère de l’édifice, l’artiste joue le contraste en y développant généreusement une véritable explosion de couleurs. Son médium principal, la peinture, ne s’applique pas classiquement sur la toile mais prend littéralement volume, conquiert les espaces qu’elle investit. C’est une peinture libre, déployée, affranchie de cadre qui a pour effet de provoquer une expérience sensorielle, véritablement physique, de la couleur. Ainsi, il s’agit bien plus d’une exposition à vivre que d’une exposition à voir.
De la cour d’honneur à la petite chapelle perchée sur la terrasse supérieure, c’est dans l’idée du parcours – physique, initiatique, contemplatif – qu’a été conçue l’exposition. Composée à la fois d’oeuvres spécialement créées pour les salles du Château et d’oeuvres existantes, elle offre une vision large des différentes pratiques qu’explore Elsa Tomkowiak autant qu’un regard neuf sur l’architecture du lieu. Ainsi, le visiteur est accueilli dans la cour d’honneur ponctuée ici et là de pixels colorés avant de pénétrer dans l’ancienne salle du tribunal où, sans transition, il est directement plongé dans la couleur en déambulant entre de grands pans colorés tombant du plafond. En montant à l’étage, il fait face à un paysage émergeant du sol et se rend alors compte que les formes qu’il contemple viennent compléter ce qu’il a découvert en-dessous, comme si le bâtiment avait été construit autour de vastes carrés flottants. Dans la salle des gardes, le caractère géométrique des poutres est accentué par deux lignes composées de bandes peintes du sol au plafond qu’il est invité à franchir sans cesse. Il pénètre alors dans une sorte de sas de décompression plein d’une vapeur irisée qui le conduira vers la lumière du jour. C’est une transition vers les volumes aux couleurs chatoyantes qui prennent place sous la voûte d’ogive du rez-de-chaussée de la tour et semblent mesurer sa surface. Plus haut, dans l’ancienne prison des femmes, des lais de mousse épousent l’irrégularité de la paroi, tels des fenêtres de couleurs dans cette pièce qui en est dépourvue. Enfin, dans la chapelle, de fines colonnes dont les couleurs font écho à celles du grand triptyque de Giovanni Capassini semblent soutenir l’édifice. Après une telle expérience, l’oeil du visiteur sera sans doute particulièrement entraîné pour percevoir les belles nuances des couleurs du Rhône à ses pieds, du Vercors dans le lointain, des collines plantées de vigne et des toits de la ville qui l’entourent.
Car si cet ensemble d’oeuvres révèle le bâtiment, il agit aussi sur notre manière de percevoir un élément fondamental de ce qui nous entoure : la lumière et ses changements incessants. Le temps a un rôle majeur dans le travail d’Elsa Tomkowiak dans la manière qu’elle a d’appliquer sa peinture sur des matières légères et transparentes, à même de capter les effets de la lumière. Ainsi, selon l’heure du jour à laquelle le visiteur vivra l’exposition, sa perception sera sans cesse renouvelée : ici un reflet mural qui n’était pas visible une heure plus tôt, là un rouge dont la profondeur sera volée plus tard par un bleu. C’est d’ailleurs ce spectre lumineux qui donne à l’exposition son titre énigmatique : 1800 / 16000, c’est la température des couleurs mesurée en kelvins de la plus chaude à la plus froide. Parcourir le spectre, c’est l’expérience inédite à laquelle Elsa Tomkowiak nous convie.

David Moinard, Commissaire de l’exposition

Vues de l’exposition au Centre d’Art Contemporain de Pontmain,
Photos Guillaume Ayer et Elsa Tomkowiak

Croquis préparatoire

© Adagp, Paris