David
Zérah

15.09.2022

impressions d'exposition

Exposition dans les vitrines du CRIJ Bretagne, Rennes, 2018

impressions d’exposition

Pour une exposition, c’était une véritable exposition, dans la rue, derrière une vitrine, comme les mannequins d’un grand magasin parisien, exposant les dernières robes, jupes, sacs, vestes, culottes, soutien-gorge et autres accessoires féminins, mis en scène en ambiance saisonnière.
Et les huit danseuses d’une nuit étaient là, derrière leur vitrine, à s’exposer, à se montrer, dans leur danse, individuelle et collective, devant la foule des passants qui passaient sans prendre conscience qu’ils visitaient l’exposition d’un artiste. Dans quelque temps, quand leur regard tombera sur un article qui reproduira une des photos exposées et que leur inconscient la reconnaîtra, les « passant-visiteurs » regretteront de n’être que passé sans visiter. Ce sera trop tard ; les exposées seront, elles aussi passées.
C’est qu’il fallait prendre le temps de ne pas passer, pour s’arrêter et regarder celles qui dansaient en public. Le visiteur devait oser oublier qu’il était dans la rue, devant tout le monde, pour déguster un spectacle vivant et accepter de participer à la mise en scène de l’artiste qui leur demandait de jouer son rôle de « visiteur-spectateur ». Comme celui que tout visiteur tient, dans une salle d’exposition.
En acceptant son premier rôle de « passant-visiteur-spectateur », le passant en déambulant dans un sens, puis dans l’autre eut vu chacune des danseuses prise dans un instant d’insouciance heureuse, éternellement figée sur le papier photo pour le conserver et le partager avec lui pour lui dire : « oui, c’est possible ». En se reculant, pour les voir toutes ensemble, il eut vu que chacune d’elle participait à une soirée dansante, une teuf, qui se déroulerait derrière la vitrine et que lui, le spectateur pouvait aussi en devenir l’acteur, en quittant la banalité du rythme quotidien ; oser y déroger, y résister. Tout cela parce que l’artiste, en les figeant chacune dans un instant posé de danse, recréait, par l’association de chacune des poses, le mouvement du film animé de leur soirée.
Tout cela parce qu’en se rapprochant de chacune d’elle il eut vu, lui le « passant-visiteur-spectateur », que par son regard, il était le photographe d’un instantané et jouait le rôle de l’artiste prenant chacune des photos pour ensuite les choisir et les arranger dans un ordre, comme les notes de la composition d’une pièce de musique. Il eut vu que le projecteur, placé au pied de la photo, tenue par une pince-ressort sur le panneau grillagé, flashait la photo comme si lui-même la prenait; par cette astuce, l’instantané n’est plus la photo d’un instant passé mais bien la réalité d’une personne dansant là maintenant, au point de faire disparaître la photo. Où était passée la photo ?
En fait l’exposition n’était pas là où l’on croyait la voir. Ce qu’il fallait regarder, ce n’était pas la photo et les photos mais le et les reflets de celles-ci dans le carrelage humide du Cours des Alliés de Rennes. Reflets qui révélaient les dessous, la vérité de la danse de chacune des danseuses et de leur groupe et caché par la réalité des photos.
Et la vérité était qu’à cette heure de début de soirée, un dimanche vers 18H00 de décembre froid humide, la baie vitrée qui protégeait les danseuses, était l’écran géant du reflet réaliste des lumières arc en ciel et musicales aux parfums de gaufres, chichis et beignets de la fête foraine, à laquelle elles participaient sans le savoir, pour créer un nouveau tableau virtuel fait de reflets et de réalités.

Thierry Daups, janvier 2019