Charlotte
Vitaioli

06.11.2023

Hymne à la fête

Présentée au Musée des Beaux-Arts de Rouen, Nuit impressionniste (26-27 aoput 2022)

Des bleus, des rouges, des jaunes, des verts, les uns intenses, les autres pastel, des aplats, des dégradés, l’art de Charlotte Vitaioli est requis par la couleur. Une couleur enjouée tant elle fait profession de vouloir réinstituer dans l’art le goût de la fête et de réactiver celui de la rencontre entre toutes les disciplines artistiques, tels le théâtre, la danse, le cinéma, la performance, etc. « De la couleur avant toute chose », pourrait- on dire en paraphrasant le poète. De la couleur et du mouvement car, pour elle, la vie ne vaut que dans la joie et dans l’amour, deux entités qu’elle revendique avec force.

D’ailleurs, l’époque semble bien lui donner raison après ce que l’on vient de traverser et qui nous a rappelé la nécessité vitale à se rassembler, à échanger, à rire, à vivre et à aimer. « Soyez amoureuses et vous serez heureuses », proclamait jadis Gauguin. Les impressionnistes eux-mêmes nous ont conté toutes sortes de joyeuses aventures à partager : bals populaires, guinguettes des bords de la Seine et de la Marne, ballades sur les grands boulevards, promenades dans les hautes herbes et les champs colorés à l’infini de taches multicolores.

Si la base de la pratique de Charlotte Vitaioli est la peinture, elle ne l’exerce qu’en dehors du châssis, s’intéressant à des supports qui peuvent se déployer dans l’espace, voire qu’elle peut activer par le biais de la performance. Aussi recourt- elle volontiers à des matériaux textiles comme des rideaux, des velours, des soies, etc. Tous ses soins relèvent d’une double envie : celle d’une occupation de l’espace – du sol au plafond, si besoin est – et celle d’une mobilité, tout comme des décors sur la scène d’un théâtre. Bref, Vitaioli aspire à sortir de l’image fixe.

Fan des ballets russes de Diaghilev, de musique pop ou rock et de chansons à textes - elle en écrit -, fascinée tout autant par Impression, soleil levant – si souvent regardée, scruté, analysée, dit- elle - que par la peinture d’Henri Rivière, elle assume volontiers d’être taxée de mélancolique ou de romantique. Peu lui chaut. Responsable chaque année de la reprise d’un bal des Quat’zarts à l’école où elle enseigne, Charlotte Vitaioli s’est emparée avec une joie toute naturelle du thème de la guinguette. Pour le pur plaisir de mettre en scène la peinture, d’offrir au spectateur l’occasion de la vivre pleinement, dans cette forme d’invasion dont l’impressionnisme avait pressenti le possible en immergeant visuellement son regard. Mais, autre temps, autre mode, Charlotte Vitaioli l’invite, ici, à habiter la peinture. Du dedans.

Philippe Piguet