Catherine
Rannou

21.11.2022

Listen to the fire, Driveways

2022

Série de photographies réalisées dans le cadre du projet : Listen to the fire, résidence de recherche-création avec Peter Bosselmann et Marc Dilet architectes , lauréats et lauréate de la bourse Berkeley Foundation, College of Environmental Design, University of California, Berkeley 2022

En janvier, les repousses des arbres, la réapparition des lichens, des mousses et des champignons masquent la tragédie vécue par les habitants de ces lotissements. Ils habitaient là enfouis il y a encore quelques années dans les forêts Californiennes de sequoia, de pins et de chênes.

Ces incendies de forêt à grande échelle ont ouvert des paysages, ont effacé les traces des clôtures, des propriétés et ont fait ressurgir le socle rocheux de cette géologie californienne, des paysages jusque alors maintenus invisibles.

Forests

Photographier ces lotissements implantés en forêt, c’est essayer de représenter l’absence. C’est donner à lire les vides des maisons incendiées, le vide des arbres brûlés, par l’observation et l’arpentage régulier des sites.

C’est petit à petit, oser marcher là où le feu est passé. C’est parler avec les habitants réinstallés, ou occupés aux reconstructions en chantier. Parler d’eux, de ce que nous ne pouvons voir ni imaginer, parler de ce qui reste encore, de la nature résiliante, des animaux et des maisons qui se reconstruisent.

Les « driveways » sont restés. Le « driveway » est l’ultime trace d’une maison incendiée. L’inventaire photographique de ces « driveway », par le cumul des vues tente de restituer le contour fantomatique des maisons disparues.

Sur les sites, petit à petit le regard s’acclimate, et distingue des autels votifs mis en scène sur les parcelles, à partir des restes de la tragédie. Des restes de murets, de terres cuites, de jeux de boules, de tonneaux, de mugs, de tasses, de chaises, ces traces sont comme des trouvailles sur un chantier de fouilles archéologiques.
Les principales traces des anciennes constructions sont effacées, une première fois par le feu, une deuxième fois par les entreprises de dé-construction qui nettoient et évacuent les cendres et les déchets polluants de chaque parcelle. Les fondations en béton ne sont pas épargnées. Les restes des arbres sont sciés et évacués pour être transformés en mulch, en bois de chauffage voir de construction.

Certains habitants ne sont jamais revenus, d’autres se réinstallent petit à petit, ils côtoient une multitude d’entreprises spécialisées.

Le choix des photographies est de montrer l’artificialisation de la forêt à la suite du feu, que les normes de reconstruction des lotissements encouragent et accélèrent. Les maisons de bois et de fibro-ciment projeté sont reconstruites pour protéger que très ponctuellement les hommes contre la nature et ses risques.

Comment les habitants peuvent ils protéger la faune et la flore de l’artificialisation des sols, de leur pollution et de l’étalement urbain ? Comment les habitants engagés dans une reconstruction peuvent ils négocier la réalisation de chantiers résiliants en forêt avec le réchauffement climatique accéléré?