Bruno
Di Rosa

10.11.2017

À perte de vue

Sélection de vues de l’exposition personnelle de Bruno Di Rosa au Triangle à Rennes, 2006 -
Photos : Bruno Di Rosa

L’Arbre généalogique, 2002
Gouache sur papier Canson, cadre en acier peint, 234 x 234 cm
Collection Fonds national d’art contemporain

Pour de multiples raisons je me suis intéressé à l’antiquité grecque : Le mythe d’Œdipe bien sûr, Ismène, dont j’ai écrit l’histoire ; Hermès, l’inventeur de la lyre ; Héraclès, condamné à de terribles travaux pour racheter une faute ou Apollon, le père des Arts. C’est pour connaître leur histoire que j’ai tracé leur généalogie et c’est avec ces morceaux épars qu’un jour j’ai eu envie de faire la « totalité » de la mythologie.

De tous ces héros il ne restait plus que des noms et des fils les liant les uns aux autres. Un nom pour un homme, un nom pour un dieu et, par l’intermédiaire du nom, hommes et dieux se ressemblent. Le nom rapproche le mortel et l’immortel.

Autoportrait posthume, 1996
Photographie argentique sous cadre mirroir, 30 x 24 cm

Pinocchio, 1998
Diptyque photographique
à gauche : le portrait en pied d’une scultpure en sel représentant Pinocchio
à droite : la même sculpture au sol suite à une chute
Collection Bibliothèque municipale de Lyon

Le personnage de Pinocchio est touchant car il est constitué de ce qui l’empêche de se construire. Pinocchio est une marionnette qui veut devenir un petit garçon. Seulement, c’est parce qu’il est une marionnette et qu’il fait des bêtises qu’il ne peut pas devenir un petit garçon. Toute son histoire alors est cette prise de pouvoir sur lui-même afin d’arriver à ne plus être ce qu’il est, à savoir un marionnette, et être enfin ce qu’il veut être, un petit garçon. C’est une affaire de désir : le désir alimente le désir mais ne l’étanche jamais. Si je l’ai sculpté dans du sel c’est qu’il me semblait que le sel est précisément cela ; on peut mourir de soif au milieu de la mer.

L’instant représenté est le moment où Pinocchio « trépasse », quand Pinocchio passe de marionnette à petit garçon. Curieusement, lorsque j’ai photographié ma sculpture, après quelques prises de vue, sans que personne ne la pousse, elle a basculé et s’est brisée au sol. Attristé j’ai photographié Pinocchio « mort » et j’ai tout jeté à la poubelle. C’est en voyant les tirages et en plaçant les deux images côte à côte que j’ai pensé qu’il en était mieux ainsi ; l’histoire alors était achevée.

Bruno Di Rosa © Adagp, Paris