Briac
Leprêtre

10.11.2017

Bungalow Royal

Exposition du 1 janvier au 23 mars 2013, galerie melanieRio, Nantes.

Bungalow Royal, 2012
Polystyrène, résine, acrylique, bois, 57 x 57 X 55 cm

Tente, 2013
Béton, 200 x 120 x 100 cm

Sans-titre, 2012
Béton, 30 x 60x 28 cm

Bas Relief, 2012
Béton, 50 x 50 x 2,5 cm

Orca, 2012
Polystyrène, résine acrylique, peinture polyuréthane, 72 x 83 x 77 cm
Production Mélanie Rio

Gollum, 2012
Polystyrène, résine acrylique, peinture aérosol et bois, 42 x 88 x 10 cm

Ovata, 2012
Polystyrène, résine acrylique, peinture aérosol et bois, 69 x 97 x 11cm
_Collection Frac Bretagne
Photos : Briac Leprêtre_

Pendant ce temps, je travaillais à faire de cette grotte un lieu assez spacieux pour m’en servir de magasin ou d’entrepôt, de cuisine, de salle à manger et de cellier ; quant à mon logement, c’était ma tente, hormis à certaines périodes de la saison humide, où il pleuvait si fort que je n’arrivais pas à rester au sec, ce qui me poussa par la suite à couvrir tout mon enclos de longues perches en forme de poutre que je calai contre le rocher et garnis de jonc ou de grandes feuilles d’arbre en guise de chaume.
(Daniel Defoe, Robinson Crusoe)

Le Bungalow royal a été spécialement conçu pour répondre aux exigences de confort des aventuriers assumant leurs instincts sédentaires. Le prototype hutte® et la version caverne, hissés sur leur présentoirs à une hauteur suspecte, se narguent à coup de velux et de portes vitrées à faire pâlir le plus pointu des modélistes.

Vue d’ici, cette joute de voisinage semble autrement plus trépidante qu’un débat ontologique s’évertuant à départager la sculpture de la maquette d’architecture. Gîtes fantasmés par le voyageur avide de grand air conditionné –celui qui se contente du dépaysement offert en classe économique pour s’épargner l’effort des vacances – ces objets s’érigent fièrement comme emblèmes d’un authentique désir d’ailleurs pantouflard, une rêverie pittoresque qui trouve l’ inspiration chez Leroy Merlin.
Si vous y croisez de probables ziggurats en béton, prenez garde à ce que vos hypothèses esthétiques ne tombent comme un trousseau de clés dans ce qui semble bien représenter un grille d’évacuation, là où la délectation formelle d’un volume minimal comme l’évocation du génie bâtisseur d’une civilisation précolombienne sont prises au dépourvu par une descente de garage.

Ici encore, la malice consiste à faire passer la transposition de la sculpture au bas relief, de la narration au motif décoratif – ou encore l’infatigable discours sur la différence et la répétition – pour une citation du style pavillonnaire et des grandes heures de la statuaire de portail. Force est de reconnaître que les formes n’ont que faire de leur prétexte ni de leur nature. Même si cet ustensile oblong associé à ce proto-bodybaord peut aussi tromper son monde en feignant une origine énigmatique – dans un instrument de musique océanien ou un sport extraterrestre – avant de dévoiler son référent par la présence importune d’une plante verte, il se flatte avant tout d’une impeccable finition

Ces différents objets sont-ils les figurants recevables d’une histoire tirée par les cheveux, ils affirment sans cesse qu’un simple changement d’échelle ou une permutation de matériaux – une poétique qui tiendrait de l’oxymore – suffisent à justifier un geste créateur, si la main en est convaincue. C’est son travail qui partout saute aux yeux mais fait systématiquement disparaître sa trace, selon la loi de la virtuosité également appliquée au pinceau ou à la bétonneuse, car tout ici est insolemment délicat. Seule la pudeur pourrait alors dédouaner l’impertinence de cette unique apparition du geste créateur dans un acte incendiaire, encore un détail furtif qui extermine l’emphase dramatique et l’aspiration romantique de l’image filmique en révélant l’échelle du décor et la gratuité du jeu.

Julie Portier

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Burn, 2012
Captures d’écran, vidéo, durée 17 min
© Adagp, Paris