Benoît
Laffiché

30.06.2023

Superfish

Depuis 2018

Le projet Superfish propose une recherche en arts visuels autour des contextes de la pêche traditionnelle à travers le monde : du Sénégal à la Colombie en passant par l’Europe. Attentifs aux conditions d’existences, aux gestes, aux cultures, à la vie, les artistes, Rodolphe Huguet et Benoît Laffiché, proposent des rencontres, des expériences communes. Superfish construit un ensemble de gestes artistiques entre pêcheurs, artistes et spécialistes de la pêche traditionnelle afin de produire expositions, éditions et performances.

BIENNALE DE DAKAR 2022

Vues de la Biennale de Dakar, 2022
Photos : Benoît Laffiché

ÉDITION LE SOLEIL EST GRIS, 2022 

« Le soleil est gris », L'Artothèque de Caen et Lendroit éditions, 2022.
Diffusion : Les presses du réel. Conception éditoriale et graphique : Rovo.
Textes :
Alexandre Rolla, Le soleil est gris, 2021.
Ambroise Tièche, De la pirogue au groupie, 2021.

https://www.lendroit.org/catalogue/fiches/2978-Superfish-le-soleil-est-gris

Vue de l’exposition, Autant changer l’heure des marées, 2021, Artothèque de Caen.

Rana Dalmatina, SMG18111, 2020
Plans de réalisation, Gaële Cousin pour l'homologation de la pirogue auprès des affaires maritimes

Banderoles, 2020 - extraits, les poèmes, les rencontres
Mar, 2020 - (Tissu n°1) Affiches off-set, 80x120 cm

Mar, 2018 - Portrait de Mar Gningue. Sticker, peinture glycéro surcontre-plaqué, Baye Mor Badiane

Yoff, 2021 - Photographie, 70x100cm. Yoff, Dakar, Sénégal

« J’espère en la parole des paysages », 2018 - Signal lumineux, code morse international, Édouard Glissant

Photo : Mathieu Lion

LA COLLECTION DES FILMS DE PÊCHE

La collection des films de pêche est un ensemble d’images et de vidéos réalisées par les pêcheurs et les artistes, et échangées sur les réseaux sociaux, dans le cadre du projet Superfish, depuis 2018.

La collection des films de pêche, depuis 2018
Extrait « T’étais où ? »
Vidéos, boucle aléatoire, 2021

RANA DALMATINA, 2020

Superfish démarre en juillet 2020 à Lillemer, en Bretagne, la fabrication d’une pirogue monoxyle, la première embarcation des peuples de bords de mer à travers le monde, le premier véhicule. Elle est ouverte à des contributions d’artistes, Guillaume Pinard a réalisé une peinture magique, Babeth Rambault a imaginé une cache, Ambroise Tièche un anagramme, d’autres invitations sont imaginées, dans le cadre de « résidences courtes de production » avec les artistes Gabrielle Decazes, Clémence Estève, Guillaume Pellay, Aïda Ualiyeva.

Rana Dalmatina, SMG18111, 2020, Lillemer, France
Fabrication d’une pirogue monoxyle, en collaboration avec Jean-Christophe Roelens. Peuplier, voile, pagaies et moteur, 6, 98 mètres

Rana Dalmatina, peinture, Guillaume Pinard, 2020, Lillemer, France

Rana Dalmatina est le totem d’un vaisseau qui lie Lillemer avec Dakar, une plaine marécageuse avec une côte subtropicale désertique, une grenouille (Rana Dalmatina : la grenouille agile) avec deux pélicans, une origine avec sa destination.

Les grenouilles ne supportent pas l’eau de mer, mais on sait depuis le début de ce siècle - par des recherches menées sur le déplacement des amphibiens - que certaines espèces (en raison de l’état des océans au moment où elles sont apparues sur les continents) n’ont pas pu coloniser quelques territoires insulaires autrement qu’en dérivant sur des troncs d’arbres.

Guillaume Pinard

De la pirogue au groupie

Ça commence par quelques mails échangés au cours du printemps 2020, assortis de photos. On reconnaît le jardin dans lequel, sur des cales, est posée une grume. Puis des copeaux, beaucoup de copeaux, une tronçonneuse, des ciseaux à bois, une herminette, des sangles et trois personnes qui creusent, taillent, poncent, rabotent et mesurent. Des images d’instants, complétées par le récit. Faute de pouvoir poursuivre un projet en Colombie, trois amis ont décidé de fabriquer une pirogue, qui par certains aspects résonnent avec ledit projet, en suspens indépendamment de leur volonté, comme on dit. Ah ! Connaissant petit à petit mieux la Bretagne je sais que l’on y invente des objets flottants singuliers, vernaculaires ou de haute technologie, et que ceux–ci ont même une existence administrative permettant de les immatriculer avec un statut d’embarcation expérimentale. Pourquoi pas une pirogue ma foi. Il devait bien y en avoir sur la Rance au Néolithique. On en trouve bien en Suisse de la même époque aussi, alors c’est plausible. Dans l’impossibilité d’aller en voir la progression pendant quelques mois, il est enfin temps de découvrir la chose.

Une fois devant elle, d’emblée une sensation très particulière d’être dans une situation intemporelle se fait jour. C’est assez rare, mais les objets archaïques encore existants et employés ont cette faculté.

Qu’elle ait été creusée dans un peuplier avec des outils électriques, que des fentes soient obstruées avec de la colle polyuréthane expansive, qu’à la poupe un morceau de tôle à loupe en aluminium consolide le point auquel le moteur est placé, que le mât soit une tige de bambou ou les pare–battage soient en plastique ne pose aucun problème. Elle est « impure », et alors.

L’étape suivante pour ses concepteurs et constructeurs a consisté convier des artistes à y mettre, peindre, inscrire, greffer, quelque chose. Il est probable que les autres artistes aient aussi ressenti qu’il ne s’agissait pas seulement de mettre une œuvre mais aussi d’opérer une action bénéfique ou propitiatoire pour cette embarcation.

Cette histoire de pirogue me taraude depuis et plus encore à chaque fois que je la vois, où les discussions portent sur telle ou telle amélioration à apporter, comme comment lester telle partie pour en corriger un peu l’assiette ‒ celle–ci sera prise en charge par une artiste, du reste. La dernière surprise a été la découverte, sous l’appentis qui l’abrite, de la housse en draps de lin–coton familiaux cousus maison.

C’est l’occasion de revenir sur cette question d’impureté, qui permet de mettre à distance les remugles exotisants liés à ce type d’embarcation. Cette réflexion a encore été plus encore stimulée lorsqu’il m’a été demandé d’écrire un texte autour de Superfish et la Rana et de ma relation avec celles–ci.

C’est là qu’interviendra la figure du groupie, que je vais revêtir temporairement. D’abord, groupie, c’est quoi ? Ce n’est pas être fan, ça a pu l’être, mais ce n’est pas obligatoire. Si la figure de fan implique une connaissance éventuellement obsessionnelle ‒ à divers niveaux ‒ de tout ce qui a trait à une personne, un groupe ou une œuvre vénérée être groupie, c’est côtoyer, parfois de très près, parfois amicalement voire intimement, dans une forme de quotidien, des artistes, notamment en dehors des moments d’activité artistique. Cela implique de voyager, de traîner, de partager, de dériver avec des personnes dont le statut se brouille, en fait se complète, entre la personne et l’artiste. De groupie on peut devenir « compagnon de route ».

Pour envisager ce texte, deux mots se sont imposés dès le début : pirogue et navette.

Le mot « pirogue » est d’une certaine façon déjà une bizarrerie, en regard de la question de l’intemporalité mentionnée plus haut. En allant aux dictionnaires, j’espérais une explication et c’est là que tout s’est complexifié, et à la fois ouvert. En effet, le mot apparaît dans la langue française en 1563, période à laquelle s’était amorcée une tragique histoire atlantique qui perdurera dans sa forme la plus violente et extrême jusqu’au 19e siècle. Le vocable piragua est emprunté à la langue arawak des habitants autochtones des Antilles, où il définit précisément ce type d’embarcation monoxyle. On emploie par conséquent un nom d’origine amérindienne pour désigner des embarcations préhistoriques dans les langues latines d’Europe, en espagnol directement piragua ou piroga en portugais. En allant au Laténium, le musée retraçant la civilisation de la Tène (le nom d’un village au bout du lac de Neuchâtel), situé au bord de ce même lac, avec les cimes des Alpes dans le lointain, de la Jungfrau au Mont–Blanc, il est question de pirogues. L’anachronisme doublé d’une ubiquité étrange est ici assez vertigineux.

L’ancien français se contentait d’un mot plus voisin, barque, venant du grec via le latin, qui sert à désigner toute embarcation non pontée et est du reste encore employé. L’allemand et l’anglais sont eux différemment descriptifs, privilégiant en allemand la matière, Einbaum (littéralement, 1 arbre), et la technique pour l’anglais, dug–out (creusé). Voilà pour quelques langues occidentales, une occasion de voyager dans les mentalités.

La navette est aussi très importante au propre comme au figuré. L’analogie est là par sa forme et par son nom. Cet objet qui navigue en ondoyant entre les fils de chaîne, qui fait des allers et retours comme un passeur. Sorte de pirogue en réduction dont la poupe et la proue se ressemblent. Mais aussi ce projet et l’invitation à écrire un texte m’ont fait faire la navette entre le mot et la chose et concrètement, à plusieurs reprises, le trajet entre Genève et la Bretagne. Sans oublier les traversées imaginaires et mentales entre la Colombie, les Antilles, la côte du Sénégal, le lac de Neuchâtel, la préhistoire et aujourd’hui.

Ambroise Tièche

EXPOSITION OOOOO, QUAI DE PÊCHE, YOFF, SÉNÉGALE, 2020

Nous sommes rentrés de Dakar, quelques jours avant le premier confinement de mars 2020, après une première exposition OOOOO au quai de pêche de Yoff. Une exposition qui reprend les codes de l’accrochage au musée mais qui prend corps dans le quai de pêche : point de rencontre entre acteurs de la pêche et acheteurs dakarois de tous les horizons. OOOOO préparait notre intervention dans les quartiers traditionnels pour la biennale de Dakar de mai 2020 et consolidait les soutiens du conseil des sages du village, de la commune de Yoff, d’Apecsy et des responsables du quai de pêche.

Vues de l'exposition OOOOO, quai de pêche, Yoff, Sénégale, 2020

LOS PÁJAROS - LES OISEAUX, JURUBIDÁ, COLOMBIE, 2021

Les frontières fermées, les expositions déplacées, Superfish réalise pour Jurubidà une nouvelle version du jeu de cartes « Les oiseaux » qui retrace les allers-retours d’un continent à l’autre du projet Superfish. Ainsi, les artistes partagent au cœur du village, le plus simplement possible, leur travail artistique.

Lettre aux habitants de Jurubidà, « On ne peut pas revenir, il y a la pan- démie, le bazar du monde, le bazar tout autour. En octobre 2019, on a séjourné dans le Chocó à Jurubidà. On pensait revenir. On fabrique des images, des films, des sculptures, des gestes artistiques d’un continent à l’autre. A Jurubidà, avec Choé et Wilfrido, on a fabriqué une voile en tissus d’Afrique de l’Ouest. On pensait revenir. En attendant on vous envoie « les oiseaux ». C’est un jeu de cartes pour vos parties dans le village, en lien avec notre projet Superfish qui s’intéresse à l’économie des pêcheurs traditionnels, aux cultures, à la vie. Merci à vous pour votre regard, vos paroles, la danse et les bières. »

« Les oiseaux » Jeu de cartes réalisé pour le village de Jurubidà, Chocò, Colombie, 2021.
Rodolphe Huguet, Benoît Laffiché.

Crédit photographique : Manuel Salazar

UNA VELA, UNE VOILE, JURUBIDÁ, COLOMBIE, 2021

Superfish fabrique une voile traditionnelle du Chocó, plus large que haute et en tissus d’Afrique de l’Ouest, en collaboration avec Wilfrido Buen Ano Lopez et Sobeida Valencia, pêcheur et couturière du village de Jurubidà.

Una vuela, une voile, 2019
Photographie, 50x65cm. Voile fabriquée en collaboration avec Wilfrido Buen Ano Lopez et Sobeida Valencia, pêcheur et couturière du village. Technique traditionnelle, tissus d’Afrique de l’Ouest.
Jurubidà, Chocò, Colombie, 2019

LA RÉSIDENCE DE MAR GNINGUE, LILLEMER, FRANCE, 2018

En août 2018, Superfish invite Mar Gningue en résidence en Bretagne, c’est un pêcheur des quartiers de Yoff. Singulier, attentif et malin, Mar Gningue a préparé son départ sans rien dire dans le village, on ne dit jamais qu’on part.

Résidence de Mar Gningue en Bretagne, chaland mytilicole, Cancale, France, 2018

Mar Gningue, 2018
30 x 20 cm

LES LETTRES, YOFF, SÉNÉGAL, DEPUIS 2018

Recherche typographique en collaboration avec Baye Mor Badiane et Manga Niang, peintres en lettres de pirogues.

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Les Lettres, 2018
Tableautins et dessins vectoriels, dimensions variables
Tableaux de lettres de pirogues. Travail typographique en collaboration avec Baye Mor Badiane et Manga Niang, peintres en lettres de pirogues. Peinture glycéro sur bois, 21x17cm
Yoff, Dakar, Sénégal, 2018

LES BANCS À FRAPPER, YOFF, SÉNÉGAL, DEPUIS 2018

Les bancs à frapper empruntent leurs formes à l’architecture des quartiers traditionnels des pêcheurs de Yoff dans la banlieue de Dakar et reprennent la technique de fabrication artisanale des parpaings à frapper. Les quartiers de Yoff subissent une forte pression immobilière, les immeubles remplacent les concessions traditionnelles, les promoteurs guettent, mais les habitants ne cèdent pas si facilement aux sirènes de l’argent.

Les expatriés des quartiers financent des constructions aux parpaings fragiles de sable de la plage. De très nombreux petits groupes d’ouvriers fabriquent des parpaings. L’économie de la pêche est fragile, le niveau de la mer monte, les habitations de front de mer sont abandonnées, les bancs à frapper proposent de s’assoir.

ARCHIVES DOCUMENTAIRES

Yoff, Sénégal, 2015
Kounayan, Sénégal, 2013
Sédhiou, Sénégal, 2013
Yoff, Sénégal, 2015
Yoff, Sénégal, 2015
Yoff, Sénégal, 2018
Kayar, Sénégal, 2018
Yoff, Sénégal, 2018
Yoff, Sénégal, 2018
Yoff, Sénégal, 2018
Yoff, Sénégal, 2020
Yoff, Sénégal, 2020
Yoff, Sénégal, 2018
Yoff, Sénégal, 2020
Kounayan, Sénégal, 2013
Yoff, Sénégal, 2011