Kolkata Pop rice
Kolkata, 2005
Vidéo, couleur, sonore, 12 min 55
Production : Afaa / Ville de Rennes
Photogramme extrait de la vidéo
Pop Rice, 2005
Vidéo, couleur sonore, 06 min 25
Production : Afaa / Ville de Rennes
Photogramme extrait de la vidéo
C’est par le regard et le mouvement que se constitue une large part de l’expérience du monde. C’est également par le regard et le mouvement que l’art s’inscrit à sa manière, unique, dans ce qu’il est le plus évidemment aujourd’hui : une expérience, unique, du monde. Benoît Laffiché se déplace, photographie et filme en empruntant les vecteurs les plus fréquentés de l’échange mondialisé : les transferts d’activités vers les antipodes, les flux migratoires, les traces d’un conflit social, une rencontre, un voyage et, parmi d’infimes contrepoints, un skateboard.
En 2000, il séjourne une première fois à Port Blair, dans les îles Andaman, un archipel excentré de la Confédération indienne. C’est peu de dire que ce fut là une terre de colonisation et de multiples passages, close aujourd’hui sur ses activités et ses cohabitations, contradictoire. Il y rencontre Monsieur Meenak Shigundaram, qui a dû renoncer à sa terre et est désormais sécheur de riz pour le compte d’un propriétaire plus riche. Il le filme en plan fixe. Il photographie aussi le skateboard. Parallèlement, il fait fabriquer là-bas une petite pochette en tissu local et c’est avec ce même tissu qu’il commande la même pochette à une couturière de Rennes. En 2002, un an après la fermeture de l’usine Cellatex de Givet, il réalise quelques photographies de l’endroit qu’il réinjecte dans le quartier dit de la Soie sous forme d’affiches placardées. Il songe à Port Blair et aux lointains si proches que provoque la mondialisation, et décide que la vidéo de Monsieur Meenak Shigundaram au travail sera projetée dans l’ancien foyer des ouvriers de Cellatex.
En ce moment, Benoît Laffiché se trouve à nouveau entre Port Blair et l’Inde métro- politaine. Il a retrouvé Monsieur Meenak Shigundaram et les nouvelles de son séjour arrivent régulièrement. Nous y répondons. Car ce dont il s’agit, ce n’est rien autre que fixer, au cœur même de l’altérité, quelques infimes points de convergence, de s’engager sur les traces de ces mouvements violents qu’il faudra bien doter d’une certaine qualité de présence, mais si pauvre et discrète, à ce point fragile que celui qui s’y risque n’a franchement pas envie de faire le malin.
Le 26 décembre, toute la région de l’Océan Indien a été victime d’un raz de marée qui a fait, chiffre provisoire, près de 150 000 victimes. Les îles Nicobar et Andaman ont été particulièrement touchées. L’exposition que ce texte annonce doit se nourrir d’un échange via Internet entre l’Inde et Rennes. Il est à prévoir que la nature même de cet échange portera sinon la marque, au moins l’ombre de cette catastrophe.
Jean-Marc Huitorel, Rennes, décembre 2004-janvier 2005.
Texte présentant l’exposition De Port Blair à Port Blair à Lendroit, Rennes, 2006