Aurore
Bagarry

25.08.2023

SPHINX

2008-2013
Allée des Sphinx reliant les temples de Louqsor et Karnak

Photographies documentant la réhabilitation de l’allée antique égyptienne reliant les temples de Louqsor et de Karnak, prévue en 2030. Les travaux se déroulent au cœur des villes et de nombreuses destructions de bâtiments contemporains ont été effectuées. L’étude des ruines par les archéologues et la pratique de la photographie comme témoins de l’histoire, conjuguant savoir et imaginaire nous interrogent sur notre présent. Quelle place donner à l’oubli ? Quelle place accorder à la conservation ?

Telle qu’elle surgit aujourd’hui des travaux archéologiques entrepris depuis 2005 par le Conseil Suprême des Antiquités, l’allée processionnelle de sphinx qui reliait le temple de Karnak et celui de Louqsor est une œuvre du pharaon Nectanébo Ier (XXXe dynastie, 4e siècle av. J.C.). De part d’autre de cette allée, furent disposés, à intervalles réguliers, des sphinx représentant le roi sous la forme d’un être hybride à tête humaine et corps de lion. Cette allée, clôturée par un mur de brique revêtu d’un parement blanc, au sol dallé, était un lieu de passage lors des grandes fêtes qui rythmaient le calendrier religieux thébain, la plus célèbre étant la fête d’Opet. Les fêtes religieuses de l’Egypte ancienne étaient en effet scandées par des processions au cours desquelles les statues divines étaient portées d’un temple (ou d’une chapelle) à un autre. Bien que les sources soient peu explicites sur le déroulement à proprement parler de ces processions, il semblerait que seuls le roi et le clergé aient été habilités à fouler le sol des allées processionnelles ; le peuple ne pouvait participer qu’en tant que spectateur à la procession et était maintenu à distance par les murs bordant l’allée processionnelle. Au cours de la fête d’Opet, instituée selon toute vraisemblance au cours du Nouvel Empire (de 1550 à 1069 av. J.-C. env.) et qui s’étendait sur plusieurs semaines, les statues des dieux Amon, Mout et Khonsou, la triade thébaine honorée dans le temple de Karnak, étaient portées en procession jusqu’au temple de Louqsor. Elles y faisaient alors l’objet de rites spécifiques dont la nature exacte ne nous est pas connue, avant de reprendre le chemin du temple de Karnak.

Les voies processionnelles, toutes dédiées à la liturgie d’un temple qu’elles fussent, étaient également au service du roi, lui permettant d’affirmer son rôle de bâtisseur et de premier prêtre du dieu. Les sphinx à l’effigie et au nom de Nectanébo Ier jalonnant l’allée processionnelle reliant les temples de Karnak et de Louqsor en sont l’expression éclatante. Non seulement ils délimitent et protègent l’allée processionnelle, mais ils pérennisent en outre le nom et la présence du roi en ces lieux, l’associant éternellement, par leur simple présence, aux festivités qui y prennent place et aux divinités honorées en ces occasions.

Cécile Lantrain (égyptologue)