GLACIERS
La série Glaciers a bénéficié du soutien du Centre National des Arts Plastiques (CNAP), Fonds d’aide à la photographie documentaire contemporaine en 2013 et de la Ville de Saint-Gervais-les-Bains (Culture et Patrimoine).
Ce travail, commencé en juin 2012 et achevé en juillet 2017, a pour objet la photographie des principaux glaciers du massif du Mont-Blanc. Inventaire symbolique, il présente 74 photographies et 67 glaciers. Il est accompagné d’une série réalisée en 2021 dans le massif du Chablais, reflet de l’histoire glaciaire qui a formé les Alpes.
Un pas vers la matrice (extrait)
L’œuvre d’Aurore Bagarry est emblématique d’une photographie contemporaine soucieuse de se reconnecter au monde. Loin du flux des images et de leur consommation, il s’agit ici d’expérimenter, d’engager le corps, de mesurer ce qui nous relie à la réalité du temps comme à celle des éléments.
Rien de mieux que la marche et l’ascension des reliefs ne permet de reposer la définition de la photographie elle-même : la quête lente d’un point de vue sur le monde. Ce monde, le glacier en est l’étrange messager - avec lui la noblesse des monuments rejoint aujourd’hui le charme des ruines. Résultat des changements du climat, il devient l’objet des métamorphoses plastiques de notre environnement.
Aurore Bagarry nous interroge : cette beauté encombrante d’un monde aux frontières de lui-même peut-elle nous émouvoir sans nous distraire de nos responsabilités ? Et si le défi des ascensions, l’exigence de la pratique photographique, la volonté d’utiliser les moyens analogiques de l’argentique et l’incertitude des résultats attendus formaient une sorte d’ascèse ? Comment va la beauté à l’heure des inquiétudes ? Voilà une œuvre photographique tout entière consacrée à la beauté malade, et aux moyens de nous reconnecter à la matrice de la nature.
Michel Poivert,
historien de la photographie, mars 2022
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Avant d’être admirée au XIXe siècle, puis domestiquée et consommée au XXe siècle, la montagne est source d’appréhension. Ainsi jusqu’au XVIIIe siècle, les “glacières” de la “Montagne Maudite”, l’actuel Mont-Blanc, ne sont guère visitées.
C’est à un inventaire photographique de ces fameux glaciers que procède Aurore Bagarry et c’est par une carte de ces flots gelés que s’ouvre son voyage. Le recours à la chambre photographique accompagne son exploration contemporaine. L’infinie qualité de détails et la totale maitrise technique des rendus de lumière et de couleur renvoie aux approches documentaires les plus exigeantes. Le style en est adopté mais les choix de points de vue, de lumière et de cadrage troublent l’impression de “déjà vu”.
Ces glaciers ne ressemblent ni à ceux, actuels, issus de la conquête sportive ni à ceux enregistrés par les glaciologues contemporains ni encore aux images ” noir et blanc ” des glaciers d’albumine, de collodion ou de gélatine qui ont pali avec le temps. La vision est revitalisée ici, via la couleur, dans la rencontre extrême et sensible entre une jeune femme photographe et des sites qui, s’ils ne sont plus considérés comme maudits, n’en restent pas moins fascinants.
Luce LEBART
Historienne de la photographie, mars 2015
Ces deux textes sont extraits du livre Glaciers, édition intégrale, éditions Hartpon, mars 2022