Angélique
Lecaille

18.11.2019

Le temps d'un dernier souffle

Vues de l’exposition au Centre d’art de Montrelais, 2018
Photo : Antoine Dalègre © Centre d’art de Montrelais.

© Adagp, Paris

Les origines invisibles, 2018
Dessin à la mine de plomb
300 x 200 cm
Production Le village, Bazouges-la-Pérouse

Geometric landscape, octaèdre, 2016
Bois brûlé

Skyline, 2016
_Dessins à la mine de plomb _Production Centre d’art de Pontmain__

Etude d’un corps céleste déchu (1-2), 2018
Pierres, météorites, dessins, sculptures, illustrations scientifiques

Etude d’un corps céleste déchu (2-2), 2018
Pierres, météorites, dessins, sculptures, illustrations scientifiques

Installation en ouate de cellulose

« Le temps d’un dernier souffle »

Le travail d’Angélique Lecaille invite à contempler des paysages situés aux abords du monde. Ciels nébuleux transpercés de lumière, montagnes rocheuses aux arêtes acérées, absence de figures humaines et perspectives vertigineuses ; dans son œuvre, le grandiose côtoie le fantasmagorique.

Ce travail de dessin d’une extrême précision réalisé à la poudre de mine graphite s’accompagne de sculptures de métal et de bois brûlés ou noircis qui viennent prolonger ces interrogations sur la transformation de l’espace et de la matière. Ces scènes en dehors du temps permettent alors à Angélique Lecaille de poursuivre une recherche approfondie sur la notion de paysage, les croyances et mythologies qui lui sont rattachées, mais également les phénomènes naturels qui l’ont façonné et les découvertes scientifiques qui l’ont accompagné.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Angélique Lecaille pourrait ainsi faire sienne la célèbre formule d’Antoine Laurent Lavoisier lorsqu’elle questionne les multiples processus de transformation du paysage au fil des siècles et des millénaires, que ce soit de façon naturelle, par l’arrivée de corps célestes sur Terre ou par l’influence de l’être humain.
Au rez-de-chaussée du centre d’art, elle présente ainsi un ensemble de dessins de la série Anthropocène, du nom de cette nouvelle ère géologique caractérisée par l’impact global de l’activité humaine sur l’écosystème terrestre auxquels fait face la sculpture Walk the line Scissy réalisée en partie de bois en voie de pétrification. Ces écorces retrouvées en baie du Mont-Saint-Michel sont au cœur d’une légende relatant l’existence d’une forêt mythique autour du site historique dans laquelle se déroulaient des rites païens à l’Antiquité. Selon la légende, la forêt aurait été recouverte par un raz de marée en 709 expliquant ainsi la remontée occasionnelle de morceaux de bois à la surface. Cette thèse a cependant été invalidée par la communauté scientifique. Ici, la matière organique a partiellement été remplacée par des minéraux au cours d’un processus de fossilisation long de 6500 ans. Temps humain et temps géologique se côtoient dans une vertigineuse variation d’échelles, passant du proche au lointain en quelques instants.

Par cette tension permanente entre observation scientifique et approche sensible, Angélique Lecaille ouvre une brèche, un espace entre fictionnel et documentaire permettant d’approcher la complexité et la pluralité de nos liens avec la nature.
Dans le premier espace du 1er étage, l’artiste évoque ainsi avec un ensemble de sculptures et de dessins à la fois minimalistes et grandioses le phénomène des météorites et notamment celui de Campo del Cielo. Ce groupe de météorites, tombé il y a 5000 ans en Argentine, est étendu sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés dans la région du Chaco (Terre de feu). Le plus gros des fragments,
“El chaco”, pesant 37 tonnes, est aussi la plus grosse météorite connue sur Terre. Ce fragment fait aujourd’hui partie du patrimoine national argentin.

Le dessin monumental Les origines invisibles évoque ce paysage modelé par un événement extra-terrestre. De nombreux mythes et croyances des peuples autochtones se sont fondés autour de ce site dont des cultes solaires auxquels la sculpture Arsin fait directement échos, l’arsin étant également le nom donné au bois ayant subi le feu. La sculpture Selk’nam tire son nom du peuple amérindien éponyme ayant vécu jusqu’au XXe siècle à proximité de Campo del cielo et 1576, Ejecta a, quant à elle, été réalisée à partir d’un fragment provenant dudit site.

Dans le second espace, l’artiste explore la question du paysage de manière plus abstraite, les dessins Monument Land et Skyline évoquant la géométrie de formes existantes à l’état naturel.

Le dernier étage, pensé comme un espace d’étude et de réflexion, nous invite à naviguer parmi les sources d’informations utilisées par Angélique Lecaille ainsi que dans ses recherches artistiques et scientifiques. Cabinet de curiosités revisité, cet ensemble évoque à la fois l’espace muséal et la collection privée dans un environnement intimiste.